De l’importance de la conservation
Pour décembre, le service des Archives et de la documentation choisit de mettre à l’honneur un magnifique document d’archives qu’il a récemment fait nettoyer, restaurer et numériser. Il s’agit d’une esquisse de l’architecte communal M. HUET, réalisée en 1913 à l’occasion de l’aménagement du futur square Richard Gardebled.
L’occasion pour nous de rappeler l’importance de la conservation, surtout lorsqu’il s’agit de documents à forte valeur patrimoniale. Conservée pendant très longtemps au Bureau d’études de la ville, ce hors format (99 cm de Long x 129 cm de large) dormait tranquillement, en attente d’un traitement adéquat. Nous vous l’offrons en guise de cadeau de l’Avent et vous invitons à en apprendre un peu plus sur ce lieu emblématique de la ville.
Du terrain privé au square communal : l’engagement d’un bienfaiteur au service de la ville
Situé au début de la rue du général Leclerc, le square a été aménagé sur un ancien terrain privé, divisé en plusieurs parcelles d’habitations, dont celle appartenant aux époux RICHARD GARDEBLED. C’est une Délibération du Conseil municipal de Rosny-sous-Bois, datée du 19 mai 1913 qui nous informe de cette donation.
Monsieur Eugène Hubert RICHARD est né à Rosny le 30 décembre 1834. Il épouse Mademoiselle Geneviève Adèle GARDEBLED. Conseiller municipal après la campagne de 1870-1871 puis adjoint au maire pendant 25 ans, il décède en août 1908. Sans héritier, il décida de léguer à la ville ses biens, à charge pour elle de la doter d’une rosière, de transformer en square public sa propriété d’environ 7000 mètres carrés précisément située au 5 rue de Neuilly, actuelle rue du général Leclerc. Sont situés sur ce terrain, la maison d’Eugène mais aussi ses dépendances (dont les communs, visibles sur le plan ci-dessous). En outre, il laisse plus de cent pièces de terre et un capital de 200 000 Francs. Quelques mois après l’acceptation du don par le Conseil Municipal, les élus rebaptiseront en son honneur l’ancienne rue de Villemomble (il y était né), le 21 novembre 1913.
Voilà un geste inespéré pour la ville qui très vite, réfléchit aux aménagements à réaliser.
Aménagements et usages
En octobre 1913 déjà, la Société Régionale d’Horticulture de Vincennes est sollicitée par la Municipalité, désireuse de trouver son architecte-paysagiste idéal, pour organiser une exposition d’horticulture. Entrepreneurs de jardins et particuliers sont en compétition, pour le futur aménagement du square.
La Préfecture de la Seine donne également son avis dans le courrier présenté ci-dessous.
Les travaux projetés consistent en « la transformation d’un petit pavillon pour le gardien (appelé « chalet d’habitation »), en l’installation d’un kiosque à musique, en l’établissement d’un jet d’eau et de grilles de clôture sur murs bahuts ». En septembre, on en apprend davantage : « aménagement de pelouses, création d’une rivière anglaise en ciment armé avec rochers et barrages ». On nous parle de la présence d’une remise, d’une serre sur les hauteurs du square, de la démolition et de la reconstruction d’un mur de grille sur la rue de Neuilly, ce qui prouve que la grille actuelle n’existait pas encore.
La fontaine qui orne le site n’est pas construite pour l’occasion mais déplacée, depuis la Place de l’église où elle se trouvait initialement. Le jardin bénéficie d’un éclairage au gaz, signe de modernité. Bancs et chaises sont prévus, le long d’allées recouvertes de sable de rivière.
Le square constitue un élément attractif pour de nombreux commerçants ambulants, qui n’hésitent pas à écrire au Maire pour proposer leurs services.
Ainsi, par un courrier daté du 23 mai 1914, Mademoiselle Henriette Mathieu demande l’autorisation de vendre dans le square « des petits jouets pour enfants ainsi que des bonbons, des boissons de coco, de la limonade ».
Lieu central dans la vie des Rosnéens, le square devient vite une zone très fréquentée, dont l’accès et l’usage doivent être réglementés. Une Commission spéciale qui se réunit régulièrement, est créée pour l’occasion. Elle enregistre les procès-verbaux de ses réunions dans un registre actuellement conservé aux Archives municipales sous la cote 3080 et visible en vitrine à l’espace culturel André Malraux.
En 1927, la ville érige à l’entrée du square, un monument à la mémoire des époux RICHARD GARDEBLED. En 1932, des échanges de courriers nous apprennent que la Ville cherche à agrandir le square en achetant les terrains situés le long de la rue Rochebrune. Parmi ceux-ci, la propriété de Monsieur NASSER. Progressivement, le site s’étend.
Le 6 mars 1934, la Commission décide de faire repeindre les bancs, portes, candélabres et le jet d’eau. « Du gravier plus gros va être déposé dans les allées et des pivoines plantées partout dans les endroits disponibles. Les buis de l’entrée resteront en place, les piquets en ciment seront repeints en vert et les plaques « sauvegarde » seront vernies ».
En janvier 1936 « La Commission du square signe l’achat de 200 poissons rouges afin de repeupler les bassins qui en sont actuellement dépourvus ». En décembre, « les membres de la Commission font remarquer au gardien qu’il doit revêtir son uniforme les dimanches et jours de fêtes et assurer son service de police, afin d’éviter des dégradations comme celles constatées sur les bancs ». On nous évoque dans cette délibération, la plantation d’une rangée de platanes en bordure de la rue Rochebrune, « afin de faire un fond de verdure qui masquera l’usine SUSSET qui de l’entrée, produit le plus mauvais effet ».
En 1939, la Commission décide d’agrandir le square, dans la partie réservée au jardinier. Ce terrain est aménagé pour des jeux d’enfants tels que chevaux à bascules, balançoires. Une portion de terrain est néanmoins laissée à la disposition du jardinier pour ses semis et plantations. La Commission décide d’aménager le jet d’eau existant en le surélevant d’un bassin en ciment, dans lequel viennent tomber plusieurs chutes d’eau. Le mur de la rue de Neuilly est ravalé en coupe de pierre.
Le square dans la tourmente
Au début de la seconde guerre mondiale, Rosny-sous-Bois connaît des pénuries. Une délibération de la Commission de mai 1942 nous le signale en indiquant « que la pelouse du square est envahie de mauvaises herbes et de pissenlits […] La Commission regrette que la pelouse centrale ait été employée pour les plants de légumes et signale qu’il y aurait intérêt pour l’avenir, à ne pas nuire à l’esthétique de la porte d’entrée. Sur la proposition de Monsieur Poupart, tout le plant sera vendu et le bénéfice réalisé sur cette vente sera versé à la caisse des prisonniers de guerre ».
Autre preuve des difficultés rencontrées par la ville à cette époque : le groupe sculpté en bronze baptisé « le Pardon », qui ornait initialement les pelouses du square, fut emporté par les Allemands et fondu. On sait que ce groupe fut réalisé en 1914. Il s’agit d’une copie d’un original, présenté au salon de 1908 où il reçut une médaille d’or. Cette reproduction fut érigée sur place le 24 février 1923. On le sait grâce à une délibération du Conseil municipal. L’ensemble représentait une jeune femme pleurant dans les bras de son père, sous le regard de sa mère tenant le petit-fils nouveau-né dans ses bras.
Autre fait marquant : le 20 août 1944, lors des combats de la Libération, cinq jeunes gens qui se trouvaient à la fête foraine qui se tenait dans le square sont abattus par des Waffen-SS, de passage à Rosny. Afin d’honorer leur mémoire, la ville votera au Conseil municipal du 1er juillet 1945, l’aménagement de leurs tombes et la pose d’une plaque commémorative.
Des années 60 à aujourd’hui
Petit à petit, le square prend sa forme actuelle, comme le montre le plan ci-dessous.
Les Archives municipales de Rosny-sous-Bois conservent, dans une demande de permis de construire déposée par la SCI du square en février 1961 (cote 2T 208), un plan de situation de la résidence située juste à droite au niveau du 11, rue du Général Leclerc. On y distingue encore un bâtiment destiné au gardien. Un courrier de Jean de Mailly (daté du 12 septembre 1961) apporte une piste pour savoir ce qu’est devenu l’ancienne maison en pierres que l’on voyait sur l’esquisse de 1913. Il évoque dans son courrier, la nécessité de conserver une cohérence entre la taille des trois futurs immeubles de la résidence et la tour du futur Hôtel-de-Ville (qui fait partie de son projet de réhabilitation du centre-ville). On remarque en effet sur l’actuel logement du gardien, situé au numéro 7, les petits carreaux de faïence blanc et bleu, typique du style Jean de Mailly.
En 1966, on apprend que la société immobilière « la Roseraie du Parc » située 11, rue du général Leclerc et titulaire de 36 studios, 9 rue du général Leclerc, sollicite une nouvelle autorisation en vue d’élever d’un étage supplémentaire, les 2 petits bâtiments […] Le promoteur propose de prendre à sa charge la reconstruction, au nouvel alignement de la rue du général Leclerc, du pavillon du gardien du square (permis de bâtir du 1er octobre 1966).
Sous le mandat de Gabriel SEYER, en mai 1967, on crée un poste temporaire de gardien du square. La construction du pavillon destiné au gardien est votée par le Conseil le 23 octobre 1969. Le 5 janvier 1970, est votée sa reconstruction, sa réfection et sa mise à l’alignement. En guise de relogement, on propose au gardien un appartement de 3 pièces, loué à la commune par Monsieur et Madame ROUET (pour un loyer de 250 francs par mois).
Le pavillon actuel est donc bel et bien un héritage des années soixante, sans aucun lien avec l’ancien pavillon élégant en pierres meulières, qui ornait l’enceinte du square à ses origines.
Le 15 mai 1979, la ville instaure la cérémonie du couronnement de la Rosière, conséquence logique du Legs GARDEBLED.
Aujourd’hui plus que jamais, le square sert d’écrin à l’hôtel-de-ville dont la tour est visible de loin, à la sortie de la gare RER, point névralgique de desserte du centre-ville. Bien que le point d’attraction de la ville se soit déplacé au fil du temps, le square conserve son charme grâce à l’action quotidienne des Espaces verts. Gageons que le lieu a encore de beaux jours devant lui.