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Le service des Archives municipales de Rosny-sous-Bois conserve depuis 2019, le don d’archives des petits enfants de Philibert HOFFMANN, maire de Rosny-sous-Bois de 1947 à 1964. Ce fonds contient quelques documents relatifs au général puis au Président Charles De Gaulle. Ces deux hommes, contemporains l’un de l’autre (Hoffmann nait en 1897 à Fellering dans le Haut-Rhin) laissent transparaitre au fil de leurs échanges, un parcours de vie qui présente des similitudes, des valeurs et une ambition commune pour la France d’après-guerre. Novembre 2020 est l’occasion ou jamais de parler de leur parcours et de rendre hommage à ces figures emblématiques des Trente Glorieuses.
1/ Une amitié de longue date : HOFFMANN et DE GAULLE, anciens Résistants
Fils d’Henri de Gaulle, précepteur et de Jeanne Maillot, le jeune Charles grandit à Lille avec le goût des études et du service de l’Etat. Il se rêve dès l’âge de 15 ans en général et fait preuve d’une ambition nationale précoce. Diplômé de Saint-Cyr en 1912, il intègre l’infanterie sous les ordres du colonel Pétain comme lieutenant. Il monte rapidement en grade et devient capitaine en 1915. Il épouse Yvonne Vendroux en avril 1921, avant son élection comme Vice-président du Conseil supérieur de Guerre en 1925. Affecté à l’Etat-major des Troupes du Levant à Beyrouth en novembre 1929, il réside sur place avec sa famille jusqu’en 1932, date à laquelle on l’affecte au secrétariat général de la Défense nationale à Paris. Promu Lieutenant-colonel en décembre 1933, il entre en opposition avec Pétain lorsqu’il développe par écrit ses théories militaires. De Gaulle prône l’unité du commandement et de la nation en faisant primer le politique sur tout le reste. Il souligne l’importance de la formation des chefs et refuse les partis des factions. De caractère franc et d’une personnalité affirmée, il est favorable au développement d’une armée professionnelle et favorise les forces blindées. Cette volonté se traduit en une phrase : « On ne fait rien de grand sans de grands hommes et ceux-ci le sont pour l’avoir voulu ». Affecté en juillet 1937 au 507è régiment de chars de combat de Montigny-lès-Metz, il est promu colonel en décembre 1937.
L’année 1940 marque un tournant dans son parcours car De Gaulle entre en politique au mois de juin. Il rencontre Winston Churchill au moment où Paris est envahie par les Allemands et tente de convaincre les forces alliées de s’unir face à l’ennemi. Officiellement en mission à Londres, il s’adresse aux Français lors de son Appel du 18 juin et devient chef des forces françaises libres (FFL). La Croix de Lorraine devient son emblème en opposition à la croix gammée, comme le montre la photographie ci-dessous.
En septembre 1941, il créé le Comité national français et rallie les Forces françaises de l’Intérieur (FFI). Il ne revient en France qu’au moment du débarquement de Normandie, le 6 juin 1944, s’imposant comme le libérateur de la France. Paris est libérée en août. De Gaulle retrouve le Ministère de la guerre et assiste à la constitution du Gouvernement d’unité nationale. Il fonde le Rassemblement du Peuple français (RPF) en 1947 avec six objectif :
- Promouvoir une nouvelle réforme constitutionnelle
- Lutter contre le communisme
- Lutter contre le régime exclusif des partis
- Favoriser une nouvelle constitution
- Affirmer un exécutif fort
- Associer le capital et le travail
Son mouvement perd les élections locales de 1953 et De Gaulle se retire à Colombey pour rédiger ses mémoires de guerre. Les évènements qui suivent précipitent son retour au pouvoir, appelé par les généraux. Il élabore la nouvelle Constitution, comme il le souhaitait. Celle-ci est adoptée par Référendum le 28 septembre. De Gaulle devient Président le 21 décembre 1958 et prend ses fonctions en janvier 1959.
Comme Hoffmann, De Gaulle est donc Résistant. Dans l’âme d’abord, puis en actes ensuite. Il utilise un symbole qui évoque l’Alsace et cette Croix de Lorraine résonne comme une revanche. Elle rappelle la perte de l’Alsace-Lorraine par la France en 1871 et le Traité de Francfort. Hoffmann était lui-même Alsacien, passé sous nationalité allemande au moment de l’occupation. Il s’engage à 18 ans et demi dans l’armée française (artillerie) comme interprète. En 1918, il entre au bureau de la direction de la SNCF à Strasbourg puis à la direction générale du groupe, à Paris. Décoré de la Croix du Combattant, il quitte l’Alsace en juin 1940 et effectue un long périple avec son épouse et ses deux filles, à travers la France occupée. Il entre dans la Résistance et manque d’être exécuté par les Allemands avec ses collègues cheminots, en août 1944. Libéré en 1945, ses actes de bravoure lui valent la médaille de la Résistance et de de la France libérée. Il est cité à trois reprises à l’ordre de la SNCF. Il devient Chef de bureau à la SNCF puis Conseiller Municipal avant d’être élu Maire de Rosny en 1947.
En Mars 1948, De Gaulle écrit le carton ci-dessus à Hoffmann pour le remercier de sa sympathie. Le Rassemblement du Peuple Français est alors au plus fort de son action. Il a remporté 35% des suffrages aux élections municipales de 1947 et possède 42% de sénateurs élus en 48. Electeur au sein du Conseil de la République, Philibert Hoffmann reçoit en octobre de la même année le long courrier que vous pouvez voir ci-dessous, dans l’objectif de rallier à sa cause un ami de longue date.
Quelques passages importants de ce courrier :
« En ce moment où le sort du pays et de la République est en jeu, j’ai quelque chose à vous demander. Vous êtes électeur pour le Conseil de la République. L’élection du Conseil de la République revêt, vous le savez, une importance et une signification exceptionnelles ».
« Son action pousse, d’abord, à conduire à une consultation rapide du suffrage universel, seule issue démocratique à la crise dans laquelle la nation se débat. Ensuite, le redressement de l’Etat, le salut de la monnaie, le retour du pays à l’équilibre et à la sécurité, bref la vie même de la France, dépendront en grande partie, de ce que fera le Conseil de la République ».
« C’est pour atteindre ces objectifs que j’adjure maintenant les Français de se rassembler, comme je le fis pendant la guerre quand il s’agissait de sauver la patrie et la liberté. Je vous demande donc, Monsieur le Délégué, simplement mais instamment, de voter pour les candidats remis par le Rassemblement du peuple Français (RPF) ».
« Croyez, monsieur le délégué, à mes sentiments les meilleurs. Soyez, en outre, assuré du profond attachement qui me lie à tous ceux qui veulent avant tout faire en sorte que la France soit la France ».
2/ Deux bâtisseurs avec des objectifs communs : au service de la Reconstruction
Si le Référendum de 1958 l’emporte avec 79,2% des voix, le conflit avec l’Algérie et les premières mesures que prend de Gaulle viennent ternir le début des Trente glorieuses. La monnaie est dévaluée, le Franc nouveau vient remplacer l’ancien et le Président fait l’objet de nombreuses tentatives d’attentats, notamment de la part de l’OAS. Malgré tout, il en profite pour redresser le pays qui souffre encore des conséquences de la guerre. Une fois de plus, le destin des deux hommes entre en résonnance. Elu Maire de Rosny-sous-Bois en 1947, Philibert Hoffmann fait partie des hommes clef, chargés de l’aménagement de l’Est parisien, partie prenante du grand plan national de relance lancé par De Gaulle.
Le District de la région parisienne est créé en 1955 à la demande de De Gaulle et entraîne l’élaboration du Plan d’Aménagement et d’Organisation Générale de la Région parisienne (PADOG). Le Président confie le District à Paul Delouvrier en 1961. Le but de ce programme est de résorber l’habitat insalubre, de faire face à l’accroissement de population en proposant de grands programmes de construction, le développement des grands axes autoroutiers et la relance économique. Hoffmann participe aux réunions du District en qualité de doyen d’âge, ce qui lui permet de faire part de ses ambitions pour la ville. Homme de conviction tout comme De Gaulle, il ne manque pas d’informer le Président de ses actions, comme on peut le voir dans le courrier de remerciement ci-dessous, que le général lui adresse en janvier 1964.
Il le félicite pour les réalisations effectuées, mises en avant dans le Bulletin Municipal Officiel : « J’ai pris connaissance avec intérêt du Bulletin que vous m’avez adressé. Sa lecture m’a permis d’apprécier le développement de votre commune et les efforts que vous déployez dans ce but. J’espère bien avoir l’occasion de m’en rendre compte sur place ».
Hoffmann veut faire de sa ville la Préfecture du futur département de la Seine-Saint-Denis mais c’est finalement Bobigny qui sera choisie, en 1964. Lors de son discours hommage, prononcé à l’occasion de l’inauguration de la rue Philibert Hoffmann à Rosny-sous-Bois en novembre 1964, Gaston Palewski, alors Ministre d’Etat chargé de la recherche scientifique, commence son discours par une phrase qui marque bien l’importance des projets menés par Hoffmann, dans le grand programme voulu par De Gaulle :
Hoffmann était mon ami. Mon amitié remonte au temps où le général De Gaulle me demanda de me présenter aux élections du 6è secteur de la Région parisienne. Il était l’un des gaullistes les plus fervents, les plus sûrs et les plus vrais de cette région difficile de la banlieue nord-est. Cet Alsacien, ce patriote n’était pas seulement attaché de toute son âme aux valeurs traditionnelles. Il avait le sens de l’avenir et la volonté de construire. C’est la chance de Rosny de l’avoir eu pendant 17 ans à la tête de sa municipalité. Grace à lui, la petite commune de jadis s’est orientée vers le développement dont nous voyons sous nos yeux les réalisations, et qui lui doit tant.
Hoffmann était également proche de Paul Delouvrier, Délégué général au District de la Région parisienne et président de son Conseil d’Administration. Ci-dessous, les deux hommes lors d’une rencontre organisée en 1962, à l’occasion de la pose de la première pierre du nouveau quartier de Bois-Perrier, Marnaudes.
De Gaulle ne viendra jamais à Rosny-sous-Bois mais souligne, à travers la correspondance qu’il entretien avec Hoffmann, qu’il partage son ambition et apprécie ses initiatives. On constate que pendant tout son mandat, Hoffman recevra nombre d’hommes d’Etat (dont le Premier ministre), preuve de sa confiance absolue.
3/ Solidarité dans les temps difficiles : l’attentat du Petit Clamart
En 1962, les hostilités avec l’Algérie cessent grâce aux accords d’Evian. Le pays accède à l’Indépendance au mois de juillet. En avril, Georges Pompidou remplace Michel Debré au poste de premier ministre. De Gaulle propose d’amender la Constitution pour permettre l’élection du président au suffrage universel direct, ce qui permettrait de renforcer sa légitimité à gouverner directement. Acceptées à 62,25% des voix par Référendum, la nouvelle Constitution fait d’abord l’objet d’une opposition de la part de l’Assemblée nationale mais De Gaulle refuse la démission de son nouveau Premier ministre et choisit de dissoudre l’Assemblée. Les nouvelles élections renforcent sa légitimité.
Ce climat particulièrement sensible se traduit par de multiples tentatives d’attentats. Le 8 septembre 1961 d’abord. Une bombe commandée à distance est enterrée sur la route de Colombey, à Pont-sur-Seine, mais la DS présidentielle conduite par le gendarme Francis Marroux n’est pas endommagée. Le 23 mai 1962 ensuite. De Gaulle doit être abattu sur le perron de l’Élysée par un tireur posté près du bâtiment. La troisième tentative, qui a bien failli réussir est celle de l’attentat du Petit Clamart, daté du 22 août 1962. C’est de cet attentat dont il est question dans le courrier ci-dessous, dans lequel le Préfet de la Seine de l’époque (Jean Benedetti) remercie Philibert Hoffmann d’avoir fait part de son profond soulagement au Président de la République suite à sa survie dans cet évènement. Il dit « M. le Président de la République, très sensible à ce témoignage de déférent attachement, m’a chargé de vous faire part de ses sentiments de sympathie ».
Une dernière tentative aura lieu le 15 août 1964, alors que le Président est en visite au mont Faron, près de Toulon. Une jarre est piégée de huit pains de TNT mis à feu à distance, mais ceux-ci n’explosent pas, le déclencheur étant trop faible.
Malgré les obstacles et la société qui change, Charles De gaulle se maintien au pouvoir lors des présidentielles de 1965. Il poursuit, aidé par ses collaborateurs de la première heure, son travail de modernisation du pays, augmente le niveau de vie et enclenche une réforme financière. C’est alors qu’éclatent les manifestations étudiantes et les mouvements de grève de mai 1968. Malgré les Accords de Grenelle, la contestation se poursuit. De Gaulle dissout l’Assemblée nationale le 30 mai et lance un nouveau Référendum le 27 avril 1969. Le non l’emporte et De Gaulle, fidèle à sa promesse, démissionne. Il part fin avril en Irlande avant de retrouver la maison familiale à Colombey, où il se remet à l’écriture. Après un dernier voyage en Espagne, il meurt d’une rupture d’anévrisme le 9 novembre 1970. Georges Pompidou devenu Président dira : « La France est veuve ».
4/ Se souvenir mais ne pas oublier : le devoir de mémoire et le décès d’HOFFMANN
Dans le Bulletin Municipal Officiel d’avril 1964 figure un article intitulé « Rosny en deuil ». Hoffmann décède 6 ans avant Charles De Gaulle et l’éloge funèbre qui lui est fait par Seyer, son successeur et par Paul Delouvrier, présent en personne, résume bien son parcours, ses liens avec le Président et leur connivence de vue.
Paul Delouvrier dit : « Le hasard avait fait de M. Hoffmann, doyen d’âge du District de la région de Paris, le premier président de la jeune institution régionale. Je ne peux oublier les paroles d’espoir et de confiance qu’il a prononcées ce jour-là, avant d’accueillir le Premier ministre, M. Michel Debré, venu lui-même porter sur les fonts baptismaux ce District qui était un peu son enfant. Je forme le vœu qu’ensemble, nous dit Hoffmann, nous trouvions les voies de la solidarité qui liera les 3 départements et que nous sachions concevoir le développement de nos communes comme un élément d’expansion régionale d’ensemble. Hoffmann, il y a deux ans à peine vous me receviez dans cette mairie, dont vous rêviez qu’elle fut remplacée par un Hôtel-de-Ville, actuellement en construction et nous posions ensemble la première pierre d’un nouveau quartier de votre ville. Vous avez su alors intéresser le District et son délégué général à votre Rosny. De ces rapports est née une amitié qui fait de votre départ, pour moi aussi, un deuil personnel. Nous continuerons à œuvrer pour que s’achève votre œuvre, comme si vous étiez toujours là ».
Et en effet, de même que De Gaulle aura travaillé jusqu’au bout avec le souci de l’Etat, Hoffmann n’aura eu de cesse, jusqu’à son dernier souffle, d’œuvre pour Rosny. On le voit clairement lorsqu’on parcourt ses dernières notes et courriers. Très malade, il s’éteint au bout de ses deux mois de maladie. Les dernières photos sont celles du banquet des anciens, daté de janvier 1964.
Dans sa toute dernière note, le Maire précise les points qu’il doit aborder avec Monsieur Barroy, alors Secrétaire Général par téléphone, où il évoque sa grande fatigue.
Marie SCHIBLER nous dit : « Nous ne nous souvenons pas exactement quand la maladie s’est déclarée, nous nous souvenons qu’elle fut pour nous « foudroyante ». Quand nous sommes allés l’embrasser une dernière fois un ou deux jours avant sa mort, il ne pouvait plus parler, il pleurait. Je me souviens qu’il était très maigre et paraissait tout petit. Les funérailles officielles étaient impressionnantes mais elles vous volent votre chagrin… ».
Charles de Gaulle écrira lui-même personnellement à Marceline Hoffmann le 14 avril 1964 pour lui faire part de ses condoléances.
Il dit : « C’est avec une profonde émotion que j’ai appris la mort de Monsieur Philibert Hoffmann. Je sais qu’il avait été tout au long de sa vie, animé d’un ardent dévouement au service du pays et de ses concitoyens. Il en avait donné la preuve au combat, dans la Résistance et dans ses fonctions de Maire de Rosny-sous-Bois ».
Par la suite et comme tous les ans, Marceline adressera ses vœux au Président et à son épouse. Elle ira même jusqu’à se rendre à Colombey-les-Deux-Églises comme le prouve ce dernier courrier, daté du 16 août 1968.
« Le Général de Gaulle a bien reçu l’aimable carte que vous lui avez adressée à l’occasion de votre visite à Colombey. Sensible à ce témoignage qui traduit à ses yeux la fidélité de l’Alsace, Monsieur le Président de la République m’a chargé de vous en remercier ainsi que tous ceux dont vous étiez l’interprète ».
Ce 9 novembre, rappelons-nous donc de ces deux figures qui auront marqué comme tant d’autres, leur époque. Rappelons-nous de leur volonté et de leur courage, ces qualités qui font avancer avec comme point de mire, le souci du plus grand nombre.