Une infrastructure innovante au service de la population
Un groupe scolaire innovant pour de nouveaux besoins
Au début des années 50, le quartier du Bois-Perrier, Marnaudes n’existe pas encore. Les terrains, majoritairement agricoles, sont occupés parcimonieusement par quelques pavillons. C’est à partir de 1959 que la construction des premiers immeubles s’amorce. On le voit clairement sur les vues aériennes de l’IGN. Les immeubles situés le long de la ligne de chemin de fer (aujourd’hui affectueusement appelés « les dominos ») ont été édifiés et le tracé des immeubles situés côté Marnaudes (au sud de l’actuelle rue Jean Mermoz) est amorcé. Sur la vue suivante (celle du 13 mai 1961), on voit que ce groupe d’habitations est terminé et qu’on établit dans un second temps le tracé de l’implantation des futurs logements de la partie Bois-Perrier.
Sud du futur quartier de Bois-Perrier, Marnaudes avec le tracé des futurs immeubles construits par l’OCIL (tranche 1), vue aérienne IGN 1959.
Source : site de l’IGN, Géoportail.
Les Marnaudes et ses premiers grands ensembles avec les barres édifiées le long de la voie ferrée. Vue aérienne IGN 1961.
Source : site de l’IGN, Géoportail.
1959 correspond au début de cette période emblématique dite « des Trente Glorieuses », où les communes de Région parisienne doivent s’adapter aux changements en cours (augmentation de la population, résorption de l’habitat insalubre, développement des axes routiers et ferrés).
Charles De Gaulle, alors Président de la République, est acquis à l’idée de l’interventionnisme public en matière de planification urbaine et d’aide à la construction de logements. Cet intérêt est partagé par ses Premiers ministres successifs : Michel Debré puis Georges Pompidou.
On imagine la création d’habitats neufs mais surtout fonctionnels. A proximité, tout un chacun doit pouvoir trouver : commerces, lieux de loisirs et de garde pour les enfants, parking, lieux d’accueil pour personnes âgées, centres socio-culturels, etc. Les grands ensembles répondent à une urgence : loger à la fois les migrants venus de province et de l’étranger mais aussi les jeunes couples, désireux de s’installer. Alors que sur Paris, les effectifs scolaires diminuent, ceux de la banlieue s’accroissent considérablement, au regard de l’augmentation du nombre d’habitants. La population du Département de Seine-Saint-Denis atteint 1 089 120 habitants en 1962, dont environ 30 000, rien qu’à Rosny-sous-Bois. Entre 1958 et 1967, la population a donc doublé.
Par conséquent, il devient impératif pour la ville, d’envisager la construction d’une nouvelle structure d’accueil destinée aux enfants en âge d’être scolarisés, issus des familles nouvellement installées aux Marnaudes.
Plan de situation réalisé par Jean de Mailly, pour l’implantation des grands ensembles de Bois-Perrier. Le groupe scolaire des Marnaudes (Jean Mermoz) apparaît en jaune, en bas.
Source : Archives municipales de Rosny-sous-Bois.
La touche « de Mailly »
Nommé architecte-conseil de la ville par Philibert Hoffmann, Maire de Rosny-sous-Bois en mars 1960, Jean de Mailly est déjà au service des intérêts de la collectivité puisqu’il rédige, le 25 juin 1959, l’avant-projet de construction du groupe scolaire initialement dit « des Marnaudes ». Le projet est dressé après confrontation des vues entre la municipalité et l’architecte mais également, après prise en compte de l’avis de l’inspectrice de l’enseignement primaire. Celle-ci insiste dans ses échanges avec la municipalité, sur les importants déplacements de population, engendrés par la construction des grands ensembles et leurs conséquences sur les effectifs scolaires de la ville. A l’époque, Rosny-sous-Bois ne dispose pas de beaucoup d’écoles. Les principales sont celles du Centre, de la Place Carnot et Kergomard.
Pour donner un ordre d’idée, la population scolaire totale de Rosny, au 1er décembre 1959 est la suivante :
- 579 enfants de 3 à 5 ans sont scolarisés, dont 559 dans le public et 20 dans le privé.
- 2674 enfants de 6 à 13 ans sont scolarisés, dont 2430 dans le public et 244 dans le privé.
Les enfants des familles déjà logées dans les « dominos » ont été scolarisés dans une école en préfabriqués, sobrement appelée « classes du Bois-Perrier ».
Cette pratique était alors courante. Or, ces classes se retrouvent très vite insuffisantes pour accueillir les nouveaux flux d’élèves, issus des familles de la seconde vague d’arrivants qui se sont installées elles, dans les immeubles des Marnaudes. D’où la décision du Maire, d’édifier le groupe scolaire dit « des Marnaudes » avant celui du Bois-Perrier (actuel groupe scolaire Felix Eboué).
Projet de De Mailly (25/06/1959)
Projet écrit de Jean de Mailly pour la construction du groupe scolaire des Marnaudes.
Source : Archives municipales de Rosny-sous-Bois.
Courrier de De Mailly (25/06/1959)
Légende associée : courrier d’accompagnement au projet de programme pour la construction du groupe scolaire, adressé par de Mailly à Philibert Hoffmann.
Source : Archives municipales de Rosny-sous-Bois.
L’architecte dit : « le groupe scolaire est destiné à assurer les besoins des groupes d’habitation projetés dans le quartier ».
Monsieur le Maire précise : « les logements construits par la SCIC seront du type HLM améliorés à caractère locatifs. Les logements construits par l’OCIL seront du type copropriété. Ces deux organismes ont bien l’intention de mettre les appartements à la disposition des nouveaux habitants […] en une seule fois ».
Créée en 1954, la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts (SCIC) est une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), dont l’objectif est de faire face aux besoins en matière de logements, en France. C’est pourquoi elle est maître d’ouvrage de la plupart des grands ensembles construits en Région parisienne à cette époque. Pour ce faire, elle fait appel à des architectes connus, tels que Jean de Mailly. Son rôle est donc essentiel dans le cadre de la création du groupe scolaire, car la SCIC a préfinancé l’opération. Tout au long du projet de construction, des échanges réguliers ont lieu entre la Ville, les dirigeants de la SCIC et de la Caisse des dépôts.
Philibert Hoffmann exprimera dans un courrier sa satisfaction à Jean Lantenois, alors directeur des services techniques de la SCIC : « J’ai le plaisir de vous faire savoir que la Commission des Bâtiments de France vient d’accepter l’avant-projet de construction du groupe scolaire avec félicitations du jury pour l’architecte Monsieur de Mailly, le 22 mars 1960 ».
Les archives mettent aussi en avant une aide financière apportée par le Ministère de l’Education nationale, pour laquelle le Maire de Rosny-sous-Bois et le Ministre se sont réellement battus. Dès le départ, le Maire est très impliqué dans le suivi du projet. Il n’hésite pas à faire jouer ses relations pour favoriser l’avancement du dossier. Dans un courrier du 12 juin 1962, que le Maire adresse à Pierre Sudreau, Ministre de l’Education nationale, il insiste sur l’urgence de la construction de ce groupe :
« du développement rapide de la ville, du grand ensemble de logements en voie d’achèvement au lieu-dit « la Plaine de Villemomble » (partie Bois-Perrier), il est nécessaire de construire deux groupes scolaires : le groupe scolaire dit « des Marnaudes » puis celui de Felix Eboué dans un second temps ».
Le groupe scolaire des Marnaudes (qui ne prendra son nom actuel qu’en 1961), est situé entre les rues Philibert Hoffmann et Jean Mermoz, à deux pas de la résidence pour personnes âgées Camille Barroy. Ce groupe est composé d’une école maternelle et d’une école élémentaire.
La partie maternelle, appelée aujourd’hui « maternelle des Marnaudes » est facilement reconnaissable grâce à la partie ronde (salle de jeux) qui termine le bâtiment. On trouve également sur place un réfectoire, un gymnase et une chaufferie collective. Au total, c’est environ 22800 mètres carré de terrains qui seront réservés à la construction de ce groupe, pour l’équivalent de 551 915 nouveaux francs. Ces terrains étaient occupés par la ville depuis mai 1960, en accord avec certains propriétaires ou suite à expropriations.
Dès le départ, Jean de Mailly précise : « l’accès principal au groupe scolaire se fera par la rue des Marnaudes. Un patio d’accueil prolongé par des portiques de liaison, permettra la desserte à couvert des différents bâtiments ».
Effectif initialement prévu dans le projet daté de 1959 : 1500 élèves répartis en 15 classes de garçons, 15 classes de filles et 8 classes de maternelle.
Comparaison entre l’esquisse d’avant-projet de Jean de Mailly et le groupe scolaire tel qu’il existe aujourd’hui.
Source : Google maps et Archives municipales de Rosny-sous-Bois.
Les Archives municipales conservent de très belles esquisses ainsi que les plans de l’avant-projet de construction comme le plan de masse (octobre-novembre 1959) et le plan axonométrique (novembre 1959).
Dans un compte-rendu de réunion de chantier daté du 29 avril 1960 à laquelle assistent Philibert Hoffmann, Jean de Mailly, le Secrétaire général Camille Barroy et les représentants de la SCIC, on apprend : « étant donné les impératifs de dates pour la livraison des classes, il est admis que le bâtiment « maternelle » sera réalisé en première tranche et aménagé provisoirement pour usage de classes normales filles et garçons. Les études de l’ensemble du groupe scolaire n’étant pas terminées, il y avait urgence à ouvrir les classes ».
Rapidement, le chantier coûte plus cher que prévu. On remanie les études et on adapte les délais de livraison. Dans un premier temps, l’objectif pour le groupe scolaire, est de permettre l’accueil d’environ 500 élèves, dès le mois d’avril 1961.
Le chantier avance donc progressivement. En mai 1961, une répartition différente est envisagée. Celle-ci n’a plus rien à voir avec la capacité d’accueil initialement prévue. Les élèves de Bois-Perrier ne pouvant être accueillis dans le nouveau groupe scolaire, on choisit pour la prochaine rentrée des classes, de répartir les effectifs sur l’ensemble des écoles existantes.
Rééquilibrer les effectifs scolaires sur l’ensemble de la ville ne fut donc pas une mince affaire. D’autant plus, lorsque les travaux de construction sont retardés.
Concernant la décoration des locaux, les élus préconisent dans un rapport, d’opter pour une sculpture sur le thème de Jean Mermoz qui serait réalisée par un artiste choisit par la SCIC, l’idée étant qu’elle ne fasse pas trop moderne. Le groupe scolaire a effectivement bénéficié de décorations tout en couleurs, notamment d’une grande fresque dans la salle de jeux, aujourd’hui recouverte. Ce travail des couleurs se retrouve dans les esquisses de Jean de Mailly, notamment dans son « étude de couleurs pour les tables des réfectoires ». Cette volonté de concilier bien-être des élèves et entretien des locaux est une constante depuis l’édification du groupe scolaire. On peut le remarquer aujourd’hui avec la réhabilitation complète de la façade de l’école, dont l’alternance de rideaux jaunes et bleus derrière les surfaces vitrées, a contribué à lui donner plus de luminosité.
Lettre de Philibert Hoffmann, Maire de Rosny-sous-Bois adressée en guise de félicitations à l’architecte de Mailly, pour la réalisation de la maternelle des Marnaudes, première tranche du groupe scolaire.
Source : Archives municipales de Rosny-sous-Bois.
Courrier de remerciements adressé par de Mailly à Philibert Hoffmann.
Source : Archives municipales de Rosny-sous-Bois.
Le groupe scolaire, des années 60 à aujourd’hui
Bien que le groupe scolaire Jean Mermoz soit entré en fonctionnement dès le 15 septembre 1961, les derniers travaux ne seront achevés que le 8 mai 1963 : à l’exception du gymnase (visitable fin octobre 1963) et des annexes. Philibert Hoffmann confie au directeur général de la CDC en octobre 1961 : « l’architecte de ce groupe, Monsieur de Mailly a su concevoir un ensemble très harmonieux qui sera complété, dès que possible, par un gymnase dont la construction est retardée du fait de la procédure d’expropriation engagée pour l’acquisition de certains terrains ».
Ainsi qu’en témoignent les courriers échangés entre les différents protagonistes de ce dossier, on constate qu’assez vite, des altérations apparaissent sur les bâtiments (fissures, problèmes d’étanchéité) qui nécessitent des travaux de réfection. Le Secrétaire général de la Mairie, Camille Barroy, le souligne notamment dans ses lettres en septembre 1963.
Malgré tout, le groupe scolaire Jean Mermoz devient une référence puisque le Maire, en accord avec Jean de Mailly qui lui fournira des clichés du bâtiment, présentera le projet lors d’une exposition organisée par le Ministère de l’Education nationale en 1962 puis un peu plus tard, lors d’une exposition au salon d’Asnières dont l’objectif était de mettre en avant les efforts réalisés par certaines collectivités dans tous les domaines visant l’amélioration des conditions d’existence des populations. Sur le stand dédié à cette exposition, la ville de Rosny-sous-Bois présentera aussi des esquisses en couleur de l’Hôtel-de-Ville avec son square, des maquettes de grands ensembles et divers projets de construction, des photos relatives aux colonies de vacances et aux manifestations sportives locales.
Attentive aux besoins des Rosnéens, la Ville de Rosny-sous-Bois n’a eu de cesse de réhabiliter les établissements scolaires situés sur son territoire, pour les rendre plus agréables à vivre. Ces réhabilitations vont de pair avec l’évolution des quartiers et des nouveaux modes de vie de ses habitants (mobilité banlieue-Paris accentuée, meilleure desserte via les transports en commun, rythme de vie accéléré, prise en compte des nouvelles normes techniques et écologiques). Signe que la population et les besoins en matière d’accueil des scolaires ne cessent d’augmenter au fil du temps, la Ville de Rosny-sous-Bois envisage à l’horizon 2021, la construction d’un nouveau groupe scolaire au sein de l’éco-quartier de la ZAC Coteaux-Beauclair.
Photographie en noir et blanc de la façade du groupe scolaire élémentaire Mermoz dans les années 60.
Source : Archives municipales de Rosny-sous-Bois.
Procès-verbal de réception définitive des travaux pour le groupe scolaire Jean Mermoz (8 mai 1963).
Source : Archives municipales de Rosny-sous-Bois.
Façade de l’école Jean Mermoz aujourd’hui
Source : Google images.