Aux origines
Au début de l’année 1806, l’enseignement primaire est dispensé aux jeunes Rosnéens dans une petite école située rue de l’Église (rue Saint-Denis). Tenue par le baron de Nanteuil, alors directeur des messageries royales, le petit établissement cohabite avec la maison communale (mairie) et le presbytère, dans un bâtiment situé face à l’église Sainte-Geneviève. Les archives communales conservent de nombreux documents relatifs à la « Maison des écoles », datés des années 1830. Au fil de nos recherches, nous découvrons dans un document daté de l’année 1874, un terme qui interpelle : « salle d’asile ». Il en existe effectivement une à Rosny, dirigée par deux sœurs. Elles logent sur place et sont rémunérées 1700 Francs par an. Immédiatement on s’interroge : depuis quand ? Qu’est-ce qu’on entend par ce mot ? Quel lien avec les écoles ?
Les salles d’asile se développent sous le Second Empire grâce à la loi Guizot (votée en 1833) qui oblige chaque commune à ouvrir une école primaire. Leur construction est financée par des loteries organisées par les communes. Elles sont destinées aux enfants de deux à six ans issus des milieux pauvres et ont deux objectifs : les éduquer et libérer les femmes de la contrainte de la garde (ce qui leur permet de travailler). On y donne de l’instruction religieuse, des notions élémentaires de lecture, d’écriture et de calcul. À cela s’ajoute le chant, la couture et l’ouvrage manuel. Peu de villes en possèdent. Parmi elles, la commune de la Flèche, dans laquelle Marie-Pape CARPENTIER va se distinguer et devenir pionnière de l’enseignement élémentaire en France. Née en 1815 et morte en 1878 à 62 ans, elle quitte l’école à 11 ans pour devenir repasseuse et gantière. Une salle d’asile est fondée dans sa commune le 27 février 1834. Marie-Pape y commence comme simple surveillante avant d’être nommée directrice. Âgée de dix-neuf ans seulement, elle est responsable d’une centaine d’enfants.
C’est elle qui proposera en 1845, de changer le nom des salles d’asile en « écoles maternelles ». Rosny-sous-Bois fait donc partie des communes pionnières sur ce point puisqu’elle possédait sa propre salle d’asile. L’expression « donner asile » traduit d’ailleurs bien l’objectif initial du lieu : garder les enfants loin des intempéries et des mauvaises rencontres !
Vers 1840, la population de Rosny-sous-Bois s’accroit, favorisée par la mise en place de nouvelles infrastructures comme la ligne de chemin de fer Paris-Mulhouse en 1849 et la gare du centre-ville, en 1856. À cela s’ajoute la création de nouvelles routes de circulation dans le sens Nord-Sud. Il devient alors nécessaire d’agrandir l’école primitive qui ne compte que deux salles de classes comme c’était souvent l’usage à l’époque (une pour les filles et une pour les garçons).
Une nouvelle école en centre-ville
En 1892, la mairie fait établir un devis pour la réalisation de travaux d’agrandissement de l’école maternelle. Par délibération du 16 décembre, le conseil municipal approuve la construction de l’école des garçons. Édifiée en 1894 sur un terrain acquis par la ville auprès de la Compagnie des Chemins de fer de l’Est à l’emplacement de l’ancienne avenue de la Station (actuelle rue Marie-Bétremieux), elle remplace l’école initiale devenue trop petite. Un courrier de l’Ingénieur en Chef de la Voie daté du 12 décembre 1892 précise que la surface vendue par la Compagnie serait de 4 872 m2 et celle échangée par la commune, de 156 m2. Coût total : 47 163 Francs. Dans un courrier plus tardif daté du 29 décembre, l’Ingénieur revient néanmoins sur sa proposition, en raison du projet d’installation de la ligne de tramway reliant de Rosny à Neuilly-sur-Marne. Finalement, la commune cèdera à la Compagnie un terrain de 184 m2 (d’une valeur de 1 844,40 Francs) en septembre 1894 et lui achètera une surface de 5 090 m2 pour la construction de l’école. L’ensemble jouxte alors des propriétés privées, notamment celles de Madame Veuve COTE et des BLANCHETEAU. Les limites sont clairement établies par le géomètre, M. GRESSE, et font l’objet d’un acte passé devant notaire, en juin 1898.
Les archives conservent quelques précieux documents relatifs à ces travaux, notamment un mémoire pour couverture et plomberie daté du 15 octobre 1895 « pour l’école de garçons et la maternelle ». Un logement est prévu pour le directeur et le concierge. Le montant des travaux s’élève à un peu plus de 81 000 Francs.
En 1903, on lance un appel d’offre pour l’agrandissement de l’école des garçons. Eugène TRUDON, architecte communal, est en charge de l’opération. Il écrit le 13 novembre au maire de Rosny pour lui faire part de la nécessité de consolider l’édifice pour pallier aux mauvaises conditions climatiques. Un courrier du cabinet du ministre en charge de l’Instruction publique daté du 12 septembre 1903, nous informe que l’État participe au projet à hauteur de 13 500 Francs. Une cérémonie d’inauguration des 3 nouvelles classes a lieu le 9 juillet 1905 sous la présidence du préfet de la Seine de l’époque : Monsieur de Selves. L’ensemble musical de Rosny « Choral » est présent pour assurer l’animation. On parle déjà du « Groupe scolaire du Centre ».
Ce n’est qu’en 1904 que les bâtiments sont complétés par une aile dédiée uniquement aux filles. C’est celle qui figure sur le plan ci-dessous. La maternelle est également agrandie. Les archives conservent le PV de réception définitive des travaux, daté du 15 janvier 1909. L’ensemble se compose donc d’une douzaine de classes avec deux grandes cours et deux préaux ouverts. Deux autres classes sont installées peu après dans le gymnase, dénommé plus tard « salle des fêtes ».
Un ensemble en expansion
Les archives municipales conservent un cahier des charges signé par le maire de l’époque, Émile AUXERRE, ainsi qu’un devis détaillé, établis en mai 1914 pour l’agrandissement de la partie de l’école réservée aux filles. Le projet prévoit la construction de nouvelles classes, l’élévation d’un logement pour la directrice, les deux adjointes et le concierge, la mise en place d’une cantine scolaire mixte, l’établissement de nouveaux cabinets d’aisance mixtes, d’un chauffage central à deux chaudières avec radiateurs et parquet dans chaque salle de classe. Comble du confort, des tables en chêne munies de casiers en sapin complètent le mobilier. À l’époque, l’entrée de l’école des filles s’effectue rue de la République alors que les garçons accèdent à l’école côté rue Bétremieux.
Petite anecdote : l’architecte Huet a été contraint d’établir un nouveau projet d’agrandissement suite au refus de la Commission spéciale pour l’examen des projets de constructions scolaires du département. C’est ce second projet qui est validé en 1913, conformément au plan ci-dessus.
Avant de poursuivre, une petite devinette : à votre avis, pourquoi lorsqu’on évoque l’école du Centre, on parle souvent de « Betremieux » ? La réponse en image ci-dessous. Née Marie BUISINE, Marie épouse BÉTRÉMIEUX voit le jour en 1869. Elle est responsable d’une des pouponnières de l’usine de toiles Demarcq à Roubaix. Elle meurt héroïquement en sauvant des tous petits de l’incendie de cette usine. C’est par une délibération du Conseil Municipal datée du 15 juin 1925 que la ville décide en son honneur, de renommer la rue de la Station. Elle reçoit à titre posthume la Légion d’Honneur.
Un peu plus tard, l’augmentation toujours plus forte du nombre d’habitants décide la municipalité à faire construire une nouvelle école de filles, place Marcel-Sembat. Inaugurée en octobre 1923, elle permettra d’équilibrer les effectifs avec l’école Marie Betremieux.
Des années 30 à l’après-guerre
Les registres matricules des élèves inscrits à l’école du Centre, qui couvrent la période allant de 1872 à 1995, nous permettent de constater, à travers les observations inscrites par les professeurs au sujet des élèves, que l’établissement a subi les affres de la guerre. Qu’il s’agisse de celle de 1870, de la Première ou de la Seconde guerre mondiale, il est indéniable que certains enfants manquent les cours, d’autres tombent gravement malades, certains partent se réfugier en Province, sont blessés pendant la guerre ou malheureusement décédés.
Au fil des pages, on peut lire des phrases telles que celle-ci : « Enfant recueilli par le capitaine pendant la guerre. Savait à peine lire et écrire ; vicieux et incorrigible. Parti du fort et arrêté comme vagabond. Enfin, chassé par son protecteur ».
Ces registres sont également une source inestimable d’informations sur la vie scolaire de l’école au fil du temps et sur la société en général. La profession des parents est systématiquement inscrite dans les registres lors de l’inscription des élèves. On voit défiler sous nos yeux des professions dont certaines n’existent plus aujourd’hui (c’est le cas pour le métier de cantonnier). Ces documents nous en apprennent beaucoup sur les mœurs familiales et le quotidien de chacun. Il n’est pas rare que les enfants quittent l’école très jeunes (14 ans) pour travailler.
Rappelons-nous que depuis la loi Jules Ferry du 28 mars 1882, l’instruction est obligatoire. Cette obligation s’applique à partir de 3 ans, pour tous les enfants français ou étrangers résidant en France.
À l’origine, la scolarisation était obligatoire jusqu’à l’âge de 13 ans, puis 14 ans à partir de la loi du 9 août 1936. Depuis l’ordonnance n°59-45 du 6 janvier 1959, elle a été prolongée jusqu’à l’âge de 16 ans révolus.
L’école du Centre est plus que jamais au cœur de la vie des Rosnéens et sert de lieu de cantonnement pour les militaires, entre 1939 et 1946. Sous la direction de Louis GOUSTILLE, directeur mais aussi officier de réserve, l’école est occupée par les Allemands. Lieu stratégique en plein conflit, le bâtiment sert également de quartier général aux Forces Françaises de l’Intérieur, en lutte contre les Allemands. Difficile dans ces conditions, de suivre une scolarité sereine ! Mais la Libération est proche : le 27 août 1944, Rosny respire. Les Américains sont là.
Vers la modernisation
L’avant-projet d’agrandissement et de modernisation de l’école est approuvé par les services d’enseignement de la Seine-Saint-Denis le 9 juin 1965. Ce projet initial prévoit l’ouverture de 23 classes, deux devant abriter le conservatoire et son administration. Mais le plan proposé n’est pas conforme aux normes de l’Éducation nationale. C’est donc le second projet qui voit le jour. Au début de l’année 1972 en effet, l’école est en pleine rénovation. Ce projet comme beaucoup d’autres, s’inscrit dans un plan plus global de rénovation du centre de Rosny-sous-Bois, porté par le Maire de l’époque : Roger DAVIET. 11 classes y sont ouvertes pour 300 enfants alors que 25 ouvriers travaillent sur le chantier avec deux énormes grues.
Les choses se font progressivement et les classes rouvrent petit à petit : d’abord les quatre classes situées du côté de la Place des Martyrs puis celles donnant sur l’Avenue de la République et enfin, celles situées côté gare SNCF. Les nouvelles classes, qui s’ajoutent à celles en cours de rénovation, sont installées sur un étage supérieur, ajoutant ainsi un second niveau à l’école, bâtie autour d’une cour arborée. L’harmonie de l’ensemble tiens à la symétrie des pavillons, reliés au corps de bâtiment central. Côté style, la pierre meulière qui recouvre les façades assure une certaine pérennité alors que l’emploi de briques vernissées harmonise les façades tout en soulignant les fenêtres. Ces larges baies permettent à l’air et à la lumière de pénétrer dans les classes, ce qui favorise l’hygiène.
Le préau est reconstruit. Une grande salle de projection et un restaurant scolaire doté d’un plafond insonorisé avec éclairage naturel par installation de baies vitrées sont créés. On refait les peintures dans des tons pastels et le mobilier scolaire est modernisé. Enfin, l’ancien parquet est remplacé par du carrelage et le chauffage remis aux normes. D’abord espérée pour la rentrée d’octobre 1972, la clôture définitive du chantier ne sera finalement actée que le 19 avril 1975, date de la validation, en Conseil Municipal, du PV de réception définitive des travaux.
Le groupe scolaire aujourd’hui
Le 16 décembre 1995, la ville fête le centenaire de l’édification de l’école. Pour l’occasion, une exposition est réalisée par les associations Société d’Histoire de Rosny-sous-Bois et les Amis du Vieux Rosny.
Tout le long de son histoire, le groupe scolaire du Centre a su s’adapter aux besoins des familles. Symbole de l’évolution des politiques éducatives au fil du temps, il a toujours été un lieu central dans la vie des Rosnéens. Il a vu passer des générations de familles dont certaines vivent encore à Rosny. En 2020, l’école poursuit son aventure et accueille quotidiennement 418 enfants. Les professeurs font la part belle au patrimoine et s’inscrivent régulièrement dans des actions partenariales ayant pour objectif de sensibiliser les élèves à leur environnement, à l’histoire de la ville et de leur école.