Madame Teisseire, une femme qui détonne !
Notre dernière Pépite vous invitait à vous plonger dans les profondeurs de la Ville en vous contant l’histoire des carrières rosnéennes. Vous pensiez être devenu incollable sur ce sujet ? Nous avons conservé plus d’un tour dans nos boîtes d’archives, et cette fois, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes nous avons tenu à vous présenter une femme remarquable : Anne-Catherine Teisseire.
Les archivistes ne connaissent pas tous les documents qu’ils conservent sur le bout des doigts. À l’occasion d’un travail de tri effectué en magasin, nous avons eu l’agréable surprise de découvrir dans un dossier relatif aux anciennes carrières un courrier du Secrétaire Général de l’époque informant Monsieur le Maire ainsi que le Préfet, du souhait d’une exploitante de l’époque (Madame Teisseire) d’acquérir de la dynamite.
Nous possédons très peu de documents au sujet de cette femme, mais nous avons tout de même tenu à vous la présenter car elle met à mal l’image que l’on peut se faire des femmes du XIXème siècle.
Courrier du Préfet de police adressé au Maire de Rosny en date du 4 mars 1893 : Madame Teisseire souhaite acheter des cartouches de dynamite pour exécuter un percement dans le fond de son cavage de haute masse. Elle s’engage à stocker la dynamite dans le cabanon à poudre de l’usine et à l’utiliser dans les deux jours qui suivront la livraison. Le Préfet exige une « surveillance rigoureuse du dépôt ».
Un article devait être consacré à cette femme détonante !
Si Madame Teisseire vous était conté par le service des Archives…
L’histoire de Madame Teisseire aux Archives municipales débute avec le courrier qu’elle adresse au Maire le 16 janvier 1891. Nous éprouvons une affection particulière pour ce document dans lequel elle dresse son portrait : elle s’y décrit comme Madame Anne-Catherine Teisseire, fabricante de plâtre demeurant au 1 rue des Carrières. Outre son identité, elle nous apprend qu’elle possède une propriété exploitée en carrière, et qu’elle souhaite tirer profit des vides des cavages des 1ère et 2ème masses de sa propriété afin d’y cultiver des champignons comme cela fut aussi le cas dans les carrières de Nanteuil. Malheureusement, nous n’avons pas plus d’informations au sujet de cette champignonnière.
Les « archives Teisseire » ne représentent qu’une dizaine de documents. Toutefois, nous avons pu y apprendre que Madame Teisseire possédait une concession délimitée par les rues Rochebrune, de la Féronne et le chemin de la Côte des Chênes.
Carte de la Ville non datée. En orange, les carrières et plâtrières Teisseire. Nous pensons que cette carte a été réalisé à l’occasion de la proposition d’achat du tréfonds du plateau d’Avron faite par Madame Teisseire à la ville en 1900. Le rose représenterait donc le terrain qu’elle souhaite acquérir.
Cette entrepreneuse chevronnée a donné du fil à retordre à la municipalité de l’époque.
Ainsi, dans un courrier du 23 avril 1892 adressé au Maire de Rosny par l’ingénieur des mines on apprend que ses fouilles ont empiété sur le sous-sol du terrain de Monsieur Gregy, terrain juxtaposant la carrière de Madame Teisseire. Un courrier du 6 février 1897, nous apprend quant à lui qu’une partie de la rue de la Féronne s’est écroulée dans la carrière de Madame Teisseire : elle interrompt la circulation des voitures et rend dangereuse celle des piétons. L’auteur de ce courrier, qu’on suppose être le Maire de l’époque, reproche alors à l’exploitante de ne pas avoir clôturé la partie de son terrain sur laquelle les excavations étaient les plus profondes.
Lettre de mécontentement du Maire adressé à l’Ingénieur des mines le 6 février 1897 afin que ses services prennent des dispositions suite à l’incident provoqué par les excavations de l’exploitation Teisseire.
Dans une lettre en date du 6 février 1900, Madame Teisseire fait ardemment part de son souhait de louer ou d’acheter le droit de fortage du tréfonds de la Pelouse d’Avron, propriété de la Ville. En avril, elle s’insurge contre le fait que les propriétaires qui n’étaient pas intéressés par l’achat des souterrains de leur propriété avant son offre aient changé d’avis et négocient à leur tour avec la Ville. Son courrier du 18 avril 1900 prouve à quel point sa détermination est sans faille :
(…) Bien que je n’aie pas la prétention de réclamer, du fait de ma demande, une priorité qui serait cependant aussi justifiée que le droit de préemption que vous semblez vouloir accorder aujourd’hui à ces mêmes propriétaires, réfractaires à vos offres antérieures, vous comprendrez, Messieurs, que je ne puis admettre, sans protester, que ma proposition, ressortant d’une étude onéreuse, n’ait eu d’autre résultat que de susciter contre moi une concurrence inégale tendant à m’évincer. Au reste, puisqu’il y a compétition, cette concurrence ne peut être limitée, attendu qu’elle doit se produire au grand jour, dans une adjudication publique, afin de dégager votre responsabilité, et, en même temps, sauvegarder les intérêts généraux de la Commune qui ne sauraient être confondus avec ceux de quelques propriétaires. (…)
La suite de la correspondance n’en est pas moins véhémente. Nous vous laissons la découvrir ci-dessous.
Courrier de Madame Teisseire adressé au Maire en date du 18 avril 1900. Elle y rappelle sa volonté sans faille d’acquérir les tréfonds de la pelouse d’Avron.
De nombreuses questions subsistent au sujet de Madame Teisseire et de son entreprise :
- Quand l’entreprise Teisseire a-t -elle été créée ?
- Les Teisseire possédaient-ils d’autres carrières ?
- Madame Teisseire a-t-elle pu acheter les tréfonds de la pelouse d’Avron ?
- Les carrières ont-elles été vendues à la mort de Madame Teisseire ?
Une enquête de longue haleine
Frustrés par l’envie d’en savoir plus sur l’histoire de cette femme nous avons tenté de faire appel à notre réseau d’archivistes et à nos collègues de l’Inspection des mines afin d’en découvrir plus.
La seule information que nous pouvons vous fournir est que nous avons eu la confirmation que Teisseire est son nom d’épouse. De plus, grâce à une précieuse information de nos collègues des Archives municipales de Chelles, il se pourrait que son nom de jeune fille ait été Planche, s’il s’agit bien de la personne décrite à la page 26 de l’Inventaire des carrières souterraines connues et cartographie de l’aléa de la Commune de Chelles. En effet, le document ci-dessous prouve que Madame Teisseire possédait bien une plâtrière à Chelles.
Unique courrier sur lequel figure l’en-tête de l’entreprise Teisseire, plâtrières de Chelles et de Rosny-sous-Bois.
Nous avons tenu à écrire sur Madame Teisseire, car on entend rarement parler de femmes entrepreneuses à cette époque, et encore moins dans un milieu aussi « masculin » que pouvait l’être celui des carrières et plâtrières.