Les origines

Rosny-sous-Bois a toujours eu une vie culturelle bien rythmée. Parmi les activités proposées au public, le cinéma occupe une place importante.

A l’origine, une salle de bal qui accueillait entre autres le régiment du 4e Zouaves fut transformée en véritable salle de cinéma à la fin de la guerre 14-18.
L’arrivée du cinéma parlant dans les années 1930 bouleverse les choses : les cinémas s’équipent et on sonorise les salles.

Actif jusqu’à la fin des années 1970, le cinéma au « Trianon » ferme ses portes pendant de longues années, avant d’être racheté en décembre 1983 par la ville,à une période où la modernisation des salles de cinéma est une tendance générale.

Le « Trianon » tel qu’il était avant rénovation. Source : © SHRB
Plan de l’existant : la façade avant réhabilitation. Source : ©Archives Municipales (AM) de Rosny-sous-Bois

Une rénovation pour de nouvelles perspectives

Le « Trianon » rouvre ses portes le 9 novembre 1985.
Claude Pernès, Maire de Rosny depuis 1983, assiste à la soirée d’inauguration lors de laquelle on projette le film « Il était une fois la Révolution ».
La vocation du lieu est alors d’accueillir, sous la forme d’un ciné-club, le tout public mais aussi des évènements tels que des pièces de théâtre ou encore des concerts,
organisés par des groupes musicaux.
Sa capacité d’accueil est de 157 personnes avec un écran de 6 mètres de base et 3,50 mètres de haut. Le style décoratif évoque un théâtre feutré des années 30.

Salle du cinéma le « Trianon » après réhabilitation dans le style « Art-déco ». Source : © AM de Rosny
Projet pour la façade réhabilitée. Source : © AM de Rosny-sous-Bois

Un directeur est rapidement nommé à la tête du « Trianon » : Christian Berg ainsi qu’un directeur-adjoint : M Perinaud.
Installé à Rosny-sous-Bois depuis 1984 à la Boissière, Christian Berg propose ses services au moment où le site est en reconstruction.
Successivement projectionniste, afficheur, contrôleur et caissier, il acquiert au fil des ans, les rudiments du métier.
Il a travaillé pendant onze ans comme chef opérateur à l’Action Christine, cinéma indépendant d’Art et essai situé dans le quartier de l’Odéon à Paris.
Il souhaite donner une âme et un caractère au lieu. Une programmation riche et accessible est alors proposée à des publics différents.
L’objectif est aussi de redynamiser le centre-ville de Rosny-sous-Bois, faisant alors figure de ville-dortoir.

A gauche : carton d’invitation avec morceau du ruban coupé lors de l’inauguration du « Trianon », le 9 novembre 1985. A droite : Christian Berg et la Rosière 1983 Fabienne Lefèvre, lors de la soirée de réception au centre Jean Vilar. Source : © AM de Rosny

 

A gauche : Claude Pernès, en salle de projection avec Christian Berg. A droite : Mr Berg ©AM de Rosny-sous-Bois

Le « Trianon » fête son premier anniversaire en novembre 1986. Salle de quartier, elle comptabilise 20.000 entrées pour 84 films diffusés lors de sa première année d’exploitation.
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule : le Centre national du cinéma (CNC) accepte en décembre que le « Trianon » soit classé au titre de label Art et Essai.
Ce classement sera renouvelé annuellement.

Une offre diversifiée

Le «Trianon » propose déjà des actions culturelles diversifiées, allant au-delà des simples projections cinématographiques : représentations théâtrales, soirées thématiques
avec documentaires ciblés, festival « Rock in the city ».

Le lieu prend le nom d’Espace Simenon au moment de sa création officielle, en 1990. Son théâtre est inauguré le 25 mai 1991 avec pour invité d’honneur l’acteur Jean Richard (alias l’inspecteur Maigret). François Cadet, ancien acteur lui aussi et directeur de l’espace Simenon depuis peu, fait de ce nouveau lieu une véritable pépinière d’artistes en proposant des cours visant à former
de jeunes acteurs pour les besoins de la télévision, du cinéma ou du théâtre. Il s’agit là d’une grande première qui va contribuer à installer pour longtemps, la réputation du lieu.

François Cadet explique : « On l’a appelé Simenon car j’avais tourné des Maigret et Georges Simenon venait de disparaitre ».

François Cadet et ses apprentis comédiens, en pleine séance de tournage (juin 1993). ©AM de Rosny

Pendant que Simenon monte en puissance, le « Trianon » rencontre des problèmes d’isolation. Sa salle de projection est vieillissante, l’insonorisation n’est plus à la hauteur des attentes du public. Des améliorations s’imposent. Des travaux sont réalisés en juillet-août 1994 pour une réouverture du site au 1er septembre. La qualité du son a été modifiée (installation de nouveaux amplis, système Dolby SR), le plateau de projection est flambant neuf (permet de diffuser 4h de film sans interruption) et l’isolation est complètement refaite.

François Cadet ou la passion du métier. A droite avec l’acteur Jean Claude Brialy.
Source : © AM de Rosny-sous-Bois

A partir du milieu des années 90, l’exploitation privée a réinvesti la périphérie des grandes villes en y implantant des multiplexes modernes, situés au cœur des zones commerciales sur le modèle de ce qui se fait aux Etats-Unis. Le grand complexe cinématographique « Ciné Cité » situé sur le site du centre commercial à rayonnement régional Rosny2, ouvre ses portes le 21 janvier 1997. Inauguré en présence de Claude Pernes et d’Ophélie Winter, il succède à l’ancien cinéma équipé de 6 salles Artel, devenu trop petit (650 000 spectateurs par an).

Équipé de 12 salles (3 salles seront rajoutées en août 1998), de 2500 places en gradins et de 10 000 m2 de surface, le nouveau cinéma UGC offre une capacité d’accueil de 3350 personnes.
Le plus grand écran mesure 170 m2. Pour la seule année 1999, la fréquentation monte à 1.5 millions de spectateurs. Équipé de lieux de convivialité, offrant des espaces vastes qui se prêtent
à toute les activités (soirées de première, expositions, restauration, cyber-connexion), la présence de ce paquebot de verre fascine et inquiète tout à la fois.

Dans un extrait vidéo de la chaîne locale RTV, conservé aux Archives municipales de Rosny-sous-Bois, Christian Berg répond face aux caméras : le « Trianon » est une salle culturelle et non commerciale. Nous avons quelques projets de festivals thématiques, notamment autour du sport ».

Le public qui fréquente le « Trianon » est composé à 50% de Rosnéens. L’autre moitié étant des habitants des communes alentour.

Plusieurs pistes sont étudiées pour redynamiser le « Trianon » : retransmission d’évènements en direct et programmation de films d’arts et essais. Philippe Régali, ancien capitaine de l’Artel
et directeur du nouveau cinéma se justifie : « on ne raisonne pas en termes de détournement de flux existant mais de complémentarité ».

Le Rosny Magazine n°68 de février 1998 revient sur le sondage réalisé auprès des habitants en octobre 1997, quant au maintien ou non, de l’activité du « Trianon ».
Le bilan est plutôt positif puisque la majeure partie de la population souhaite une poursuite d’activité. Le lieu est qualifié de chaleureux et convivial, fédérant toutes les classes d’âges.
Quelques améliorations sont néanmoins attendues : pouvoir acheter boissons et confiseries sur place, recevoir un programme cinéma par courrier tous les mois.

Alors que dans la nuit du 19 au 20 novembre 1997, une inondation a lieu à l’espace Simenon et endommage une partie des locaux, le « Trianon » entre dans les années 2000,
dans une période délicate.

Dans un courrier de Catherine Férey, alors directrice des affaires culturelles, daté du 13 août 2002, on peut lire : « les bureaux du « Trianon » sont transférés, à compter du 15 septembre 2002,
au Musée d’Histoire, dans l’ancienne salle d’accueil ».

Un article du Parisien daté du 21 septembre 2005, est titré : le « Trianon » sauve sa peau.
Y sont pointés du doigt la vétusté des salles, la féroce concurrence de Rosny2 et un déficit financier de 150 000 euros par an.

Dans un courrier de Mr Berg au réseau de distribution MK2 relatif à la fermeture prochaine du « Trianon », il explique : nous avons le regret de vous annoncer que le cinéma municipal le « Trianon » a cessé ses projections depuis le 24 décembre 2006 en raison de travaux de reconstruction. L’activité cinématographique est suspendue pour les années  2007 et 2008 mais devrait reprendre normalement en 2009, dans de nouveaux locaux.

Le « Trianon » n’est plus actif mais existe encore : physiquement parlant.

Il fait partie du paysage, lui qui est si familier aux Rosnéens. Pourtant, l’affectif ne résiste pas à la loi des promoteurs et le fidèle cinéma de quartier sera démoli le 18 mars 2009.
Son voisin, le fameux Café du commerce, le suivra dans son dernier séjour, le lendemain. Courant 2010, on érigera sur place un immeuble d’habitations baptisé « le Renaissance ».

La ville a tout fait pour trouver une solution et permettre à ce lieu mythique de continuer à exister.
Alors que s’est-il passé ? Un courrier daté du 24 juin 2011 nous indique : la coque du rez-de-chaussée de l’immeuble « Renaissance » devait accueillir le nouveau « Trianon » […] la grande salle
de l’espace Georges Simenon accueillera les activités cinématographiques dès fin 2012.
Mais c’est un rapport de l’architecte-scénographe Michel Marty daté du 2 août 2010, qui nous apprend la suite.
Il déconseille à la ville d’installer finalement le cinéma au sous-sol du bâtiment « le Renaissance » en raison du fait que : le futur cinéma est coincé entre les parkings au sous-sol
et les logements en étages, ce qui limitera l’isolation acoustique vis-à-vis des tiers […] A l’évidence, la maitrise de tous ces enjeux ne peut être considérée comme acquise.
Nous ne pouvons que vous recommander de surseoir à la réalisation de ce projet […].

Serge Deneulin, Adjoint au Maire chargé de la Culture confirme en mars 2011 ce qui était à craindre : nous vous informons que la salle municipale d’exploitation de cinéma « le « Trianon »
a été fermée le 24 décembre 2006 pour démolition. Une nouvelle salle est actuellement en cours de réalisation, son ouverture est programmée en septembre 2012.

Le «Trianon» en court de destruction. A gauche : le café du Commerce. Source : © SHRB.

Deux possibilités s’offraient à la municipalité : bâtir au même endroit mais avec une capacité d’accueil moindre (pas plus de 70 places) ou déplacer l’activité cinéma 200 mètres plus loin
à l’espace Georges Simenon, permettant ainsi d’élever la capacité de la salle à 222 places et de baisser les coûts d’aménagement. Le choix le plus logique fut le second.

Cinéma et théâtre : la consécration de l’espace Georges Simenon

Fermé depuis mai 2005, l’espace Simenon poursuit sa rénovation, parallèlement à l’évolution du « Trianon ». Il rouvre ses portes en septembre 2009, après d’importants travaux de réhabilitation. L’inauguration a lieu les samedi 10 et dimanche 11 octobre 2009. Tout a été repensé pour accueillir différents types de spectacles : danse, cirque, théâtre, spectacles de fin d’année.
Le foyer, agrémenté d’un bar, permet désormais d’organiser des rencontres avec des artistes et le hall se prête parfaitement à la présentation d’expositions.

La grande salle dispose d’une scène de 12 m d’ouverture. Les gradins rétractables autorisent tous les usages. 307 places assises et 520 debout, précise l’article du Rosny Mag de cette année-là ! Enfin, une salle un peu plus petite (70m2), baptisée « salle Cadet », destinée aux répétitions, aux conférences et ciné-concerts, vient clore l’ensemble.

Grande salle de l’espace Georges Simenon après réhabilitation. ©AM de Rosny

2009 marque aussi l’arrivée d’un nouveau directeur à l’espace Simenon : Dominique Bertrand. Il souhaite proposer une programmation pluridisciplinaire accessible à tous en favorisant
le développement d’une démarche participative de la part des publics. Il mise aussi sur les compagnies résidentes et l’éducation artistique.

Novembre 2012 marque la renaissance de l’activité cinéma Art et essai à Rosny.
Amandine Larue, arrivée en septembre 2012, devient responsable de ce secteur et développe rapidement l’activité. En 5 ans, elle booste la fréquentation cinéma.
Au départ, étaient proposées 2 séances cinéma par semaine avec 2 films différents. Ce chiffre augmente rapidement avec 7 séances hebdomadaires pour 3 films différents.
Côté chiffres, on passe d’une fréquentation de 3 171 spectateurs en 2012-2013 (pour 88 séances) à 11 159 spectateurs en 2017-2018 (pour 287 séances).

Le cinéma propose 5 dispositifs :

  •          Ciné bébés pour les crèches
  •          Ma première séance (pour les maternelles)
  •          Dispositif Ecole et cinéma
  •          Dispositif Collèges et cinéma
  •          Dispositif Lycéens et apprentis au cinéma
Amandine LARUE, responsable du cinéma. Source : ©AM de Rosny


Sont également proposés au public :

  •         Ciné chou (pour les 2-5 ans, 1 dimanche par mois)
  •         Mon p’tit ciné zic (1 film + 1 atelier une fois par mois)
  •         Ciné-club ados (1 film tous les mois)
  •         Ciné lumière (avec une rencontre, 1 fois par mois)
  •         Cinétincelles (films inattendus, conférences, ateliers, spectacles et concerts)
  •         Week-end thématiques et festifs
  •         Festival Silence (ciné-concerts)
Les centres de loisirs au cinéma. © V. Dayan

Épilogue

Aujourd’hui, l’histoire du cinéma à Rosny-sous-Bois renait grâce aux Archives municipales mais aussi et surtout grâce à la mémoire des passionnés d’histoire et de cinéma, grâce aux témoignages des Rosnéens et de ceux qui ont bien connu les lieux.

Un brin de nostalgie qui loin de demeurer juste un souvenir, revit aujourd’hui à travers cette Pépite et à travers le travail quotidien de personnes investies, soucieuses de transmettre un autre regard sur le cinéma et les valeurs qu’il véhicule :

  •       Proximité
  •       Accessibilité pour tous et à un prix raisonnable
  •       Promotion du cinéma d’auteur, des documentaires, loin des blockbusters
  •       La convivialité
  •       L’éducation du jeune public à l’image
  •       La défense du cinéma d’auteur via un travail d’action culturelle intergénérationnel
Francis ADAU, ex projectionniste du «Trianon». ©AM de Rosny-sous-Bois

Simenon fête cette année ses dix ans : souhaitons-lui bon vent et comme tout navire, il y aura d’autres caps à franchir et d’autres aventures.